Semaine 16 : de Gjirokastër à Kalambaka

Lundi 13 août, nous partons assez tôt de Gjirokastër avec l’objectif de dormir en Grèce ce soir. Nous avons une trentaine de kilomètres jusqu’à la frontière. Nous croisons les Pigeons Voyageurs le matin et nous décidons de manger ensemble à midi. La route jusqu’à la frontière est très monotone… Une longue ligne droite sans ombre.

Nous mangeons juste avant la frontière, probablement le moins bon repas depuis le début de l’Albanie… Le passage de frontière est très rapide pour les cyclistes car nous avons le droit de doubler toutes les voitures. C’est très pratique, surtout pour les frontières où il y a un peu de monde. Ici, nos documents d’identité sont encore plus contrôlés que d’habitude et c’est la première fois qu’on nous demande de retirer nos lunettes de soleil pour vérifier notre identité. Ils contrôlent aussi les coffres des voitures mais on ne nous demande pas de montrer nos sacoches. 

Après la frontière, nous mettons nos montre à l’heure. Il y a une heure de plus ici, c’est notre premier décalage horaire depuis le début du voyage. La route grimpe bien, et ce qui nous marque vraiment, c’est le changement de paysage. Les montagnes albanaises étaient toutes pelées, sans aucune végétation. Depuis que nous avons franchit la frontière, les montagnes sont très vertes et nous avons plein d’arbres et enfin de l’ombre au bord de la route. Nous n’arrivons pas à comprendre ce changement soudain en quelques centaines de mètres. 

Nous découvrons aussi les panneaux en grec et je réalise immédiatement que j’ai complètement oublié tout ce que j’ai pu apprendre pendant mes cours de grec à l’école.

Nous avons ensuite une côte bien raide jusqu’à Ktismata. C’est un petit village très agréable, avec des jeux pour enfants, un restaurant et une supérette. On obtient facilement l’autorisation de planter la tente dans le jardin de la salle des fêtes, avec une super vue en prime !

En achetant quelques fruits à la supérette, nous réalisons vite la grosse inflation des prix par rapport à l’Albanie. Nous allons devoir ressortir la popote et faire attention à ce qu’on achète pour respecter le budget. Un gentil monsieur nous offrira des jus de fruits et nous découvrirons que les grecs sont aussi très généreux 🙂

Le soir, nous regardons les étoiles filantes et nous en verrons chacun plusieurs, dans ce magnifique ciel étoilé.

Le mardi, les Pigeons partent plus tôt que nous en direction de Ioannina. Nous n’avons pas voulu mettre notre réveil à 6h du matin, comme en Albanie car avec le décalage horaire, c’est comme s’il était 5h pour nous et ça risquait de piquer un peu pour les petits. C’est bien ce décalage, car ça nous permet de profiter de la “fraîcheur” jusqu’à 10 heures au lieu de 9 le matin. En plus, nous avons pris un peu d’altitude et il assez frais ce matin, on n’avait plus l’habitude.

Nous avons 57 km jusqu’à Ioannina, que nous ne sommes pas sûrs d’arriver à faire en une étape, surtout qu’il y a du dénivelé. La route est assez large et le début est en côte mais pas trop raide et nous avons une jolie vue sur les montagnes.

Après quelques achats à la supérette, nous nous arrêtons pour le pique-nique dans un parc avec des jeux pour enfants. Ca faisait très longtemps, les enfants sont ravis. Nous prenons bien notre temps et en profitons pour faire l’école avant de reprendre la route.

La suite du trajet est plus monotone, principalement en descente mais avec une belle montée au milieu. Nous décidons malgré tout d’aller jusqu’au camping car nous n’avons pas envie de faire un autre sauvage. Nous arrivons après 18 heures et rencontrons Carlos, un cycliste espagnol parti il y a un an. Nous passons ensuite la soirée avec les Pigeons. Le camping est au bord d’un lac et nous avons une table à l’abri, nous sommes bien installés.

Le mercredi, nous passons une journée très tranquille. Nous voulons visiter Ioannina mais l’orage en décide autrement et nous restons au camping. Damien donnera un coup de main pour réparer les freins de Geoffrey, ce qui les occupera pendant de longues heures. Mais ils ont réussi ! J’en profite de mon côté pour avancer dans la lecture du livre de Jean Beliveau, l’homme qui marche (voir ici pour l’histoire de ce livre).

Jeudi 16 août, les enfants font la grasse matinée. Ca fait du bien ! Nous prenons ensuite notre temps, regardons les gens faire de l’aviron sur le lac, puis nous partons tous ensemble pour visiter la ville. La ville est très jolie et agréable, avec une jolie mosquée. Damien, qui ne voulait pas marcher, a malheureusement emporté sa mauvaise humeur pour la visite (toujours la même depuis quelques jours, mais elle va partir, rassurez vous) et je finis seule avec les enfants, les Pigeons étant partis de leur côté. Nous passons un bon moment à 3 à nous balader dans les rues et petits magasins à l’ambiance sympathique.

Le soir, je retournerai avec Julia et Eloïse pour faire le tour des magasins chinois (une sorte d’AliExpress mais en version physique) afin de trouver du matériel de pêche. Nous aimerions essayer d’agrémenter nos menus de quelques poissons. Un petit moment sans enfants (ni mari 😀 ) qui fait du bien.

Vendredi, il fait assez froid le matin, nous sommes obligés de sortir les polaires et il faut avouer qu’on n’a plus trop l’habitude. Nous partons assez tard, bien après les Pigeons Voyageurs, et devons faire demi tour après 1 km pour récupérer les lunettes d’Hugo oubliées au camping…

Nous partons pour les Météores, à Kalambaka, que nous espérons rejoindre en trois jours. Mais ça s’annonce costaud car il y a vraiment beaucoup de dénivelés et un passage à 1700 mètres. J’avoue que je pars un peu avec des pieds de plombs ! J’en ai marre des montées !! Nous avions pourtant étudié le chemin le plus plat en Albanie et j’ai donc été bien épargnée depuis le Monténégro. En plus, c’est beaucoup moins difficile physiquement qu’au début du voyage et généralement ma “blessure” se tient tranquille et je n’ai pas mal. Je ne comprends pas pourquoi ce ras-le-bol… et Damien encore moins !

Nous voici donc partis pour monter pendant 10 kilomètres, jusqu’à 900 mètres d’altitude et redescendre ensuite à 500 mètres. La montée se passe chacun de son côté, en mode un peu bougons et avec une pause repas au milieu (mais ensemble, quand-même). Nous descendons ensuite pendant 10 kilomètres, jusqu’à une station service. Nous prenons des consommations et engageons la conversation. On nous propose très rapidement de planter la tente sur la terrasse d’une maison inoccupée. Elle est en contrebas de la route et la terrasse est fermée, nous sommes plutôt caché et ça nous parait parfait.

Nous accrochons la tente d’un côté à la barrière, de l’autre à l’aide des vélos, vu qu’elle n’est pas autoportante et qu’il est impossible de planter une sardine. On imagine même l’endroit idéal où mettre notre poche à eau pour faire une douche et nous avons accès aux toilettes de la station service jusqu’à 22 heures, parfait !

Enfin, ça, c’était avant qu’un orage, absolument pas prévu, ne s’en mêle ! Nous nous prenons un déluge énorme, qui nous fait sortir tous les deux sous la pluie pour voir comment la tente tient… Et c’est pas terrible ! Une avancée de toit déverse une quantité énorme en bas de la tente, juste à l’endroit où elle est tendue trop haut par le vélo. L’eau ne s’écoule pas et s’accumule. Nous improvisons un système avec la bâche mais l’humidité s’est déjà bien infiltrée dans la tente. Nous terminons complètement trempé et achetons des chips pour le repas du soir car la station n’a rien d’autre à proposer et il est impossible de cuisiner dans ces conditions. Chips que nous mangeons à l’endroit où nous allons dormir, super pour les miettes…

Le lendemain matin, le réveil est difficile. Il fait assez froid et le dessous des matelas et la tente sont trempés. Nous essayons de faire sécher mais nous ne sommes pas aidés par la brume et la légère bruine. Nous finissons par tout remballer mouillé, vêtements compris et partons pour une grosse journée avec beaucoup de dénivelé.

Le début de la route monte, bien sûr, mais est agréable, avec une jolie vue sur les nuages dans les vallées. Nous y croisons aussi une tortue. Nous prévoyons de nous arrêter à l’entrée de l’autoroute, afin de faire du stop pour aller à Kalambaka. Nous pensons que le passage jusqu’à 1700 mètres va être compliqué et nous sommes déjà fatigués de ce premier sauvage. Mais les policiers sont exactement là où nous souhaitions nous mettre et ils se chargent déjà d’arrêter les camions. Ca s’annonce donc impossible…

Nous parlons avec eux de notre itinéraire et leur expliquons que nous souhaitons aller à Metsovo puis ensuite prendre la route jusqu’à Kalambaka. Et là, ils nous découragent vraiment. Dès que nous évoquons cette route, ils nous disent “problème”… Les gens de la station service ont eu la même réaction la veille mais nous n’avions pas compris pourquoi. Le policier parle bien anglais et nous explique que cette route est fermée aux voitures car il y a des éboulements très fréquents. Personne ne passe donc sur cette route et il ne peut pas nous assurer que ça passe à vélo. Il nous explique aussi qu’il y a des meutes de chiens très méchants dans le passage à 1700 mètres. C’est un très gros problème en Grèce, il y a des chiens errants partout et nos amis les Pigeons Voyageurs se sont déjà fait courser par une dizaine de chien. En plus, dans un passage en montée, où nous n’avancerons pas, et avec personne pour nous aider, ça nous parait encore plus dangereux. Il nous explique ensuite qu’il y a des ours, mais que nous ne craignons pas grand chose si nous restons sur la route. Mais vu que nous devrons dormir au moins une nuit, peut-être deux pour arriver au bout de cette route, c’est un problème. Nous comprenons maintenant mieux pourquoi les personnes de la station service essayaient de nous dissuader. Ils avaient juste pu nous dire “problem” et qu’il n’y avait pas de voiture, mais leur anglais était très limité.

Nous accusons le coup de cette nouvelle… Et nous empressons d’appeler les Pigeons Voyageurs pour les avertir. Ils viennent d’arriver à Metsovo et vont s’engager sur cette route, il faut qu’ils sachent à quoi s’en tenir…

Nous continuons notre route vers Metsovo, un peu décontenancé… Nous sommes à flanc de montagne, sur une petite route peu passante qui monte et descend tout le temps. Nous croisons peu de voitures, pas de camions ou pick-up et le stop est donc impossible. Certaines voitures s’arrêtent en nous regardant pédaler, pour s’assurer que nous allons bien. Nous nous arrêtons dans un petit village pour manger et réfléchir à la suite de la journée. Il nous reste beaucoup de kilomètres pour Metsovo et vu comme ça grimpe, nous n’y arriverons pas ce soir. Nous interrogeons les gérants du restaurant, qui ne pensent pas que nous pourrons trouver du stop et nous conseillent d’appeler un taxi. C’est vrai qu’il y a peu de passage ici… Ils contactent pour nous une compagnie de taxi et nous nous mettons d’accord sur un prix à 25 euros pour nous déposer 35 km plus loin, à la sortie d’autoroute. Nous n’aurons ensuite pratiquement plus que de la descente jusqu’à Kalambaka. Dommage pour Metsovo que nous ne visiterons pas, car il parait que c’est très joli mais cette solution est plus raisonnable.

Le taxi arrive, avec un mini-bus comme prévu, sauf que les sièges ne se rabattent pas et ils ne peuvent (veulent !) pas les enlever. La conductrice appelle donc son mari, qui la rejoint en 2 minutes et propose de mettre les deux vélos sur le toit… mais pour 40 euros au lieu de 25 ! Justifiés par la main d’oeuvre supplémentaire. Nous ne souhaitons pas payer cette somme et nous nous sentons pris en otage, d’autant plus quand il nous annonce que s’il repart, nous devrons quand même lui payer 10 euros pour le déplacement et menace d’appeler la police. Le ton monte et nous finissons par abdiquer à contre-coeur, à un prix de 35 euros…

Une demi-heure plus tard, nous voici à Panagia, au bord d’une route qui descend vers le village. Nous en profitons pour faire sécher la tente avant de remettre toutes les sacoches. Pour les vêtements, c’est foutu, ils ont pris une odeur terrible et devront attendre une vraie lessive.

Il nous reste encore beaucoup de kilomètres jusqu’à Kalambaka. C’est majoritairement en descente mais nous avons tout de même une montée de 7 km au milieu. Nous nous arrêtons dans une brasserie et remarquons que nous approchons d’une zone touristique. Il y a beaucoup de monde qui s’arrête ici et de toutes nationalités. Le serveur, très gentil, nous offrira de bonnes barres de céréales maison au moment de régler l’addition.

Nous arrivons ensuite au petit Village de Trigona. Nous demandons à une famille sur son balcon où nous pouvons trouver une supérette. Ils nous demandent combien de kilomètres nous sommes encore prêts à faire. Quand on leur répond qu’on est fatigués et que nous ne souhaitons pas aller plus loin, ils s’inquiètent immédiatement de savoir où nous allons dormir… Et nous invitent spontanément quand ils comprennent qu’on n’a pas d’hébergement 🙂 Nous nous retrouvons chez Jeanne, son fils, sa soeur Tina et ses parents et pensons dormir dans le salon lorsque, un peu plus tard, sa tante qui habite l’étage du dessous nous propose de dormir chez elle, dans sa chambre d’amis. Nous passons un bon moment avec toute la famille et dormons à 4 dans un lit double (mais avec autant de place que dans notre tente).

Le dimanche, notre hôte se prépare pour aller à la messe à 8h mais elle nous laisse son appartement pour le petit déjeuner. Elle est super gentille et nous sort, avant de partir, plein de bonnes choses à manger. Nous frappons ensuite à l’étage, comme promis, pour prendre le café avant de partir, mais toute la maison a l’air de dormir et nous n’osons pas insister de peur de les réveiller. Nous leur laissons donc un petit mot sous la porte avant de partir pour Kalambaka.

L’étape est facile, il nous reste moins de 2 kilomètres de montée et après, ça descend pendant 25 kilomètres. La vue est superbe et nous apercevons au loin les météores. Plus nous nous approchons, plus nous les trouvons magnifiques et impressionnants.

Nous arrivons au camping à midi et y retrouvons les Pigeons Voyageurs, qui ont contourné la difficulté en se faisant charger par un camping car. Les enfants profitent de la piscine du camping, pas très propre mais avec une vue magnifique ! Nous irons visiter demain. 

11 réponses

  1. LEBAS dit :

    Bonjour les cyclos.
    Merci pour ce récit fort en émotion bonne continuation et bonne route

  2. LEBAS dit :

    Je n’avais pas terminé … hé hop texto partit;
    Bien à vous et courage.
    Dominique Annie

  3. Hélène CHEDANNE dit :

    Ça y est ,Damien la mauvaise humeur est passée en passant la frontière ? Bises et bonne continuation, vous vivez de belles choses, alors profitez. Carpe diem !

    • Damien dit :

      Groumph !
      Oui oui… mais ça fait du bien a Emily de l’écrire
      On profite oui oui mais bon chacun a ses moments et comme je ne veux pas me retrouver avec une caméra en travers de la trachée, je m’abstiens sagement

  4. GRARD Marie-Agnès dit :

    Bonjour les cyclos,
    Je suis ravie de vous voir arriver en Grèce que j’ai visité à 18 ans pendant 3 semaines. Je vais donc lire avec attention votre récit qui me rappellera de très beaux souvenirs. Faites de belles photos sur les Météores, c’est un endroit exceptionnel. J’ai souvenir que pour les visites de monastère j’avais du revêtir une jupe longue, c’est la seule et unique fois de ma vie que j’ai du mettre ce type de tenue.
    Est ce que les enfants sont conscients de la chance de vivre de tels moments ?

    Bonne continuation et bon courage pour la suite de votre voyage

    Marie-Agnès du cyclo club de st Chély d’Apcher

    • Emily dit :

      Merci 🙂
      Nous avons adoré les météores. Il y aura plein de photos dans le prochain article 🙂 La jupe longue est toujours obligatoire mais ils prêtent des paréos pour la visite, à mettre sur le short ou le pantalon.
      Demain, nous allons visiter Delphes !
      En ce qui concerne les enfants, ils n’en sont pas vraiment conscients, non et envient souvent leurs copains… J’espère qu’ils le réaliseront plus tard…

  5. GARNIER dit :

    Un petit coucou de la « Boutinade ». Vous êtes quelque part présents et la mise à jour se fait naturellement. Encore un grand merci de prendre tout ce temps pour nous faire vivre cette aventure. J’ai l’impression que Hugo a pris de la hauteur, quant à Soline son sourire fait des ravages et vous ouvre le portes. Les photos traduisent bien vos impressions. En Bretagne il fait une température plus supportable. Tout le monde se met si mode « rentrée ».
    De grosses bises de toute the family Boutin.
    Michelle et Yves tara et tonton bretons

  6. Véronique CHIGGIATO-MORIZOT dit :

    JE découvre vos récits en rentrant du Portugal où nous n’avons pratiquement pas vu de vélo.
    Quel plaisir de vous lire et de vivre avec vous ces moments. Les efforts répétés et les petits tracas
    engendrent des états d’âme mais, même sans ces conditions extrêmes, ils existent parfois. Profitez a fond
    de tout. Bises tendres à tous. Bis bald

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